Le CREDOC vient de publier une étude sur les comportements et attitudes des consommateurs à l’égard du commerce alimentaire. Ce travail s’agit est un renouvellement d’une étude menée en 2005. En voici les principaux éléments :

Le commerce alimentaire connaît de profondes mutations depuis quelques années : remise en question du modèle de consommation de masse, multiplication des formats de distribution de proximité, développement des ventes via Internet et les drives. Les distributeurs redoublent d’efforts pour attirer les consommateurs dont les budgets sont de plus en plus contraints par les dépenses obligatoires (logement, assurances, communication). Les dépenses alimentaires deviennent une variable d’ajustement dans le budget des ménages.

Si les hypers et supermarchés restent les circuits les plus fréquentés, les commerces alimentaires spécialisés (boucheries, charcuteries…), les magasins de surgelés et le hard-discount sont davantage plébiscités qu’il y a sept ans. Les consommateurs tendent aussi à diversifier leur parcours d’achat. Ils se rendent moins souvent dans chaque circuit mais fréquentent un plus grand nombre de formats de distribution. Par ailleurs, l’a.ttention portée au prix se renforce nettement et la demande en faveur d’une offre de proximité progresse.

En sept ans une plus grande diversité de la fréquentation des magasins d’alimentation
La fréquentation des magasins, quelle que soit leur forme, ne diminue pas. Elle est stagnante pour les supermarchés, les marchés et les supérettes.
En revanche, les autres circuits de distribution affichent des fréquentations supérieures en 2012 à celles de 2005. Les plus fortes progressions sont atteintes par les commerces alimentaires spécialisés (+9 points), les magasins de surgelés (+7 points), le hard-discount (+6 points) et dans une moindre mesure les hypermarchés (+3 points). Dans le même temps, le recours aux drives et à Internet se développe. Internet ne représente que 7 % des clients du commerce alimentaire. Cette proportion est certes en hausse par rapport à 2005, avec un facteur multiplicatif de 2,5. Mais elle reste inférieure à la fréquentation des drives où se rendent près de 11 % des consommateurs.

Les consommateurs fréquentent plus de circuits, mais se rendent moins souvent dans chacun d’entre eux
En 2005, 21 % des consommateurs ne fréquentaient au moins une fois par mois qu’un ou deux circuits, ils ne sont plus que 19 % en 2012. À l’inverse, 16 % déclaraient fréquenter 6 circuits ou plus au moins une fois par mois, ils sont désormais près d’un quart (23 %).
De plus, la part de clientèle se rendant plus d’une fois par semaine dans chaque format de distribution est en baisse entre les deux enquêtes, si l’on exclut les magasins de surgelés. Au contraire, la part de consommateurs allant moins d’une fois par mois dans un circuit est en hausse dans tous les canaux de distribution (à l’exception des commerces alimentaires spécialisés).

La multi-fréquentation s’accentue : les courses alimentaires sont davantage réparties entre les différents circuits de distribution où les consommateurs se rendent moins fréquemment. Ces constats vont dans le sens d’une diversification croissante des parcours d’achat des consommateurs. Si les hypers et supermarchés restent encore la référence, le consommateur est de plus en plus exigeant et zappeur et n’hésite pas à profiter de la diversité offerte par la multiplication des enseignes et des formats de distribution.

Cinq stratégies pour faire ses courses
Deux premiers groupes de consommateurs sont caractérisés par la diversité des circuits qu’ils fréquentent, chacun ayant recours à au moins quatre circuits : il s’agit des éclectiques des enseignes de proximité (par exemple Carrefour City, Daily Monop’, Franprix, les magasins de surgelés) et des éclectiques des commerces indépendants de proximité (épiceries de quartier, commerces spécialisés comme les boucheries et les marchés).

– Les éclectiques des enseignes de proximité habitent plutôt dans des zones urbaines denses, résident en appartement, sont diplômés et ont de hauts revenus. Ils accordent de l’importance à la marque des produits, à la qualité, et se révèlent peu sensibles au prix. Ce sont par ailleurs des consommateurs plus « engagés » que la moyenne, les garanties écologiques, le soutien d’une cause humanitaire sont importants dans leurs critères de choix.
– Les éclectiques des commerces indépendants de proximité sont plutôt des hommes, ils habitent moins souvent dans des petites agglomérations.
Au-delà de la proximité des circuits fréquentés (notamment pour gagner du temps), ils accordent une importance très forte aux labels de qualité des produits, mais sont, comme les précédents, peu sensibles au prix. Deux autres groupes se caractérisent par une très forte sélectivité dans leurs choix de circuits, mais avec des profils très différents : il s’agit des massificateurs et des conquis du hard-discount.
– Les massificateurs réalisent leurs courses dans un nombre restreint de circuits généralistes – avant tout les hypermarchés – et ont recours à Internet et au drive. Ils sont jeunes (25-35 ans), diplômés, ont des revenus élevés, résident plutôt en maison individuelle. Très sensibles au prix – ils sont très utilisateurs des comparateurs, pratiquent le marchandage et l’achat d’occasion – ils considèrent les courses comme une contrainte.
– Les conquis du hard-discount pratiquent l’essentiel de leurs courses dans les magasins hard-discount. Ce sont avant tout des populations à plus faibles revenus, davantage féminisées, avec une plus faible proportion de plus de 65 ans que la moyenne, peu diplômées. Ces consommateurs privilégient avant tout le prix – ils pratiquent peu les achats « coup de tête » – le gain de temps, vivent les courses surtout comme une contrainte, et sont peu sensibles à la marque, au label, aux garanties d’hygiène et sécurité.
– Enfin, un dernier groupe est dit « papillonneurs ». Ces derniers fréquentent presque tous les circuits. Ce sont plutôt des inactifs en couple – plus particulièrement des seniors – ayant souvent un ancien statut de cadre et avec un pouvoir d’achat plus élevé que la moyenne. Considérant les courses comme une activité en tant que telle, voire un plaisir et pas du tout une obligation, ils sont très sensibles aux critères de qualité (le « made in France », la marque, les garanties écologiques et d’hygiène et sécurité), au caractère convivial des magasins (peu de monde, présence d’un parking…).

Le choix des points de vente : d’abord la proximité, ensuite le prix
Plus d’un consommateur sur deux (55 %) estime que la proximité géographique est déterminante dans son choix de magasin et la place en premier ou second critère pour le choix d’un circuit de distribution. C’est la raison pour laquelle les distributeurs multiplient les ouvertures de points de vente, notamment dans les villes : en captant la clientèle située dans une zone de chalandise de proximité, ils densifient le parc de leurs magasins.
Ce critère de la proximité géographique souligne également le peu de temps que les consommateurs souhaitent accorder aux courses alimentaires, le plus souvent considérées comme une corvée.
Le facteur prix arrive en deuxième position. Sa forte hausse par rapport à 2005 (+7 points) montre bien que les consommateurs prêtent aujourd’hui une attention toute particulière à leur budget alimentaire. Ce critère est essentiel chez les massificateurs et les conquis du hard-discount, tandis que les éclectiques de la proximité privilégient la qualité.

La rapidité d’achat, la présence d’un parking sont davantage privilégiées dans le choix de magasin des consommateurs en 2012 qu’en 2005. Cette recherche de « praticité d’achat » a été intégrée à la stratégie des distributeurs qui cherchent à accélérer les délais de passage en caisse et à rationaliser le parcours client au sein du magasin. En revanche, les critères qualitatifs (point de vente le plus agréable, celui où il y a le moins de monde) apparaissent comme moins importants aux yeux de la clientèle en 2012 qu’en 2005.

Prix élevés et éloignement expliquent la baisse de la fréquence des courses
La lourdeur du ticket de caisse (impression de prix élevé lié au volume des achats et au coût du déplacement) apparaît en 2012 comme un élément encore plus déterminant qu’en 2005 dans la baisse de la fréquence des courses d’alimentation.
Cette raison est la plus souvent citée dans la quasi-totalité des circuits : par 47% des personnes interrogées pour les commerces alimentaires spécialisés, spécialisés (+10 points), 40 % pour les épiceries de quartier (+8 points), 28 % chez les déçus du hard-discount (+13 points).
Les autres motifs évoqués se rapportent à l’éloignement et au manque de temps ainsi qu’à la défaillance de l’offre. Le manque de temps (ou la sensation d’en manquer) expliquerait d’ailleurs près d’un tiers de la réduction de la fréquentation des marchés (32 % en 2012 contre 38 % en 2005) et renvoie – comme dans le cas des commerces alimentaires spécialisés – à la difficulté de massifier ses achats lorsqu’on fréquente ce type de circuit.

La non-fréquentation des circuits : l’éloignement encore, le déficit d’image et les prix
Logiquement, l’éloignement du domicile est aussi un motif essentiel pour ne pas fréquenter un circuit (ou le fréquenter moins d’une fois par mois). C’est le cas notamment pour les hypermarchés, les supermarchés, les supérettes et les épiceries de quartier.
Pour les hypers et supermarchés toutefois, le poids attribué à ce critère a fléchi entre 2005 et 2012 et concerne désormais moins d’un non-client sur deux, sans doute en raison d’une densification du maillage territorial en grandes surfaces alimentaires. En revanche, une part croissante d’enquêtés déclare « ne pas aimer ce type de commerce » en 2012 par rapport à 2005 (+16 points dans le cas des hypers et +5 points pour les supers). Cette proportion a même été multipliée par deux pour les hypermarchés.
Les supérettes, les épiceries et les commerces alimentaires spécialisés sont plus souvent pointés du doigt en 2012 qu’en 2005 pour le prix élevé des produits et la difficulté de stationnement.
Plus d’un tiers des non-clients des commerces alimentaires spécialisés explique la non-fréquentation du circuit par le coût élevé des produits (35 %, +5 points). Les personnes ne fréquentant pas les magasins de hard-discount évoquent le plus souvent le fait de ne pas y trouver les produits souhaités (28 %, +12 points) et la mauvaise image qu’elles se font de ce type de commerce (28 %, +3 points).
Cette explication est retenue aussi pour Internet et les drives qui pâtissent d’une mauvaise image : 40 % des personnes ne fréquentant pas les sites Internet alimentaires et 37 % de ceux qui, n’utilisant pas les drives, déclarent ne pas aimer ce type de commerce.

Hypers et supermarchés : Les consommateurs sollicitent toujours plus de prix bas et de marques de distributeurs
Chaque enquêté (qu’il soit client ou non du circuit) a alors été interrogé sur les améliorations de l’offre des hypers et supers qui seraient de nature à l’inciter à fréquenter davantage ces formats de distribution. En 2012, des prix plus bas arrivent encore en tête des améliorations souhaitées dans les deux circuits, et la part des personnes interrogées favorables à ce changement a progressé (85 % pour les hypers en 2012 contre 83 % en 2005, et 84 % pour les supers contre 81 % en 2005). Le prix reste donc un facteur primordial pour les consommateurs.

D’autres améliorations sont aussi largement plébiscitées, comme davantage de rapidité (+16 points dans les supers, -1 point dans les hypers) et plus de nouveautés (plus de la moitié des individus y serait favorable dans les deux circuits). Les consommateurs réclament aussi un plus large choix de produits dans les supers (63 %).
Dans les deux formats de distribution, trouver plus de marques nationales (-17 points dans les hypers et -16 points dans les supers) et avoir des magasins plus jolis ne sont pas des améliorations jugées prioritaires en 2012, alors que ces items étaient bien notés en 2005.

Les consommateurs plébiscitent en revanche plus souvent des produits de marques de distributeurs en 2012 qu’en 2005 (+14 points dans les hypers, +9 points dans les supers).
Ces résultats montrent bien que le modèle des magasins uniformes pour répondre à la consommation de masse n’est plus d’actualité. Le paysage des circuits de distribution se diversifie pour s’adapter aux contraintes propres à chaque type de clientèle. La stratégie des grandes enseignes d’implanter des formats de distribution spécialisés dans les centres-villes est un exemple caractéristique de cette évolution.